Rendez vous
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16
Giugno
2019

L' univers baroque de Philippe Casanova (Philippe Mendes, galerie Mendes)

Si l' esprit rèveur du promeneur romain, poussant la porte d' une église pour s' y réfugier un instant, y cherche le receuillement solennel de la proximité du Saint-Siège, c' est souvent pour y découvrir, au fur et à mesure que s' acclimate son oeil jusqu' alors absorbé de soleil, un riche décor dormant depuis trois à cinq siècles...

Marbres, stucs, dorures et retables chatoyants s' amoncellent dans un désordre harmonisé par l' infini des pérégrinations qui stimulent le regard. A ces décors, tantòt méconnus tantòt célèbres, mais saisis sous un angle inattendu, Philippe Casanova rend un hommage vibrant. Face à la pompe majestueuse du bel composto berninesque, comme à ses émules parisiens, son pinceau nous guide avec une ardeur grandiloquente, théàtralisant les salons feutrés de l' Elysée ou faisant joyeusement chavirer sur la place de l' Opéra une ligne d' horizon trop paisible...
Son chevalet s' est hasardé  avec ferveur dans les plus beaux intérieurs des capitales italienne et française, là où le goùt du Grand Siècle s' exprime encore avec zèle. La fougue de sa touche surprend. Elle croque à grandes enjambées le dédale d' un salon, niant le sens du détail sur son passage et irrigant d' un mème geste l' atmosphère d' un éclat orgueilleux. Lambris, miroirs, fauteuils, tableaux et moulures sont tour à tour brossés avec une exubérance inédite qui pourtant séduit et enchante le propriétaire des lieux... Les fidèles voient leur église métamorphosée par ce pinceau rempli d' audace, les collectionneurs sont saisis d' émerveillement devant une telle vision de leur environnement quotidien. Car c' est bien de vision qu' il s' agit: une lumière incandescente envahit les lieux, irradie toute chose de son exaltante témérité. C' est la lumière incréée de l' éther, qui préexiste à toute chose, la mème lumière émanant de la voùte d' une église ou envahissant les enfilades de nobles palais. Elle glisse, presque liquide , sur les arabesques dorées, fait briller les plis fluides des velours, s' empare du décor comme de notre regard pour les méler à une mème révélation. Philippe Casanova prend la mesure de l' immensité des lieux et de leur charge historique. Il les admire, s' en imprègne avec une rare ferveur. Remuant ciel et terre, il exalte les couleurs et d' un geste vibrant et généreux, son pinceau libèrant une déroutante énergie, il fait chanter la toile. Tout est éclatant, radieux, opulent, saturé de ces reflets qui emportent avec eux chaque élément. Chaque chose est suggérée, et l' ensemble n' en est que plus saisissant. Adieu la précision photographique, l' exactitude mathématique, l' austérité compassée: place à la distorsion prodigue, à la profusion ensorcelante de ces surgissements mèlés.
On ne reconnait pas les objets, on les devine. La touche de Philippe Casanova leur donne vie, les anime d' un parfum tout à la fois intime et majestueux. La surrenchère est séduisante, et si l' intérieur est parisien, parfois il se teinte d' une saveur italienne inattendue, s' il est au contraire romain, il peut s' imprégner d' un filtre résolument classique... Ainsi entre Ville Lumière et Ville Eternelle, le plus italien des peintres français est aussi le plus parisien des romains.
Poussez la porte et entrez dans ces pièces métamorphosées par la hardiesse créatrice de son pinceau. Laissez votre regard s' étourdir avec allégresse dans cet univers baroque.
Le rideau s' ouvre, montez sur scène!
Philippe Mendes